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Titre | Les Images ou tableaux de platte peinture de Philostrate Lemnien sophiste, mis en françois par Blaise de Vigenère, avec des argumens et annotations sur chacun d’iceux, Epître à Barnabé Brisson |
Auteurs | Vigenère, Blaise de |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1578 |
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, p. 14
Joint que les argumens et annotations que nous y avons apposees pour servir comme de vollets, et enchassemens, ne leur aideront pas de peu ; ayant mis peine de les enrichir et elabourer tout autant que le corps propre du tableau, c’est à dire le texte : à l’exemple du tant renommé ouvrier Phidias, dont entre ses autres bonnes parties la diligence a esté fort recommandee, pour avoir esté curieux d’achever aussi exactement les petites figures entaillees au throsne et és vestemens du Juppiter Olympien ; et de la targue et brodequins de Minerve au chasteau d’Athenes ; que les visages de ce Dieu et Deesse.
Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)
, p. 20-22
Aussi n’en cherche je pas les acclamations et faveurs, nom-plus que cest excellent musicien qui rompit ses fluttes pour avoir esté haultement loüé de toute la commune assemblee : de plaire aux sages et advisez qui dressent leur regard au loin ; plus à l’advenir qu’au present : et jugent des choses non comme elles peuvent paroistre de primeface ; ains selon que le temps les doibt faire veoir et gouster. A l’exemple des peintres qui besognent à frez, lesquels ne se soucient pas tant de l’effect que monstrent leurs coloremens lors qu’ils les couchent et employent que de celuy à quoy finablement il faut qu’ils deviennent quand ils se seront achevez d’essuyer du tout. Et à ce propos, puis qu’il m’en souvient, je vous veux racompter une histoire. Les Atheniens ayans voüé une statue à Minerve, en donnerent la charge à Phidias et Alcamenes, les deux plus souverains ouvriers de leur temps. Alcamenes qui y alloit à la bonne foy, ne se soucia que de traicter son ouvrage le plus delicatement qu’il luy fut possible ; ne s’advisant pas qu’il devoit estre hault-monté sur une grande colomne, et fort eloigné de la veüe. Là où Phidias qui estoit plus ruzé et practique que luy, plus vieil routtier, et entendu és reigles de perspective et geometrie, ne fit qu’esbaucher grossierement le visage de la Deesse, ensemble tout le surplus de son effigie, selon que l’esloignement de la veüe le devoit puis-apres r’accourcir, et remoderer à sa deüe proportion et mesure. Or quand il fut question de les monstrer au peuple, pour choisir à la pluralité des voix celle qui lui viendroit le plus à gré, Alcamenes descouvrant le premier la sienne, il n’y eut celuy qui ne l’admirast, et ne la trouvast singulierement belle : aussi estoit elle conduicte à sa totale et derniere perfection pour la veoir de prez. Et au rebours tout aussi tost que celle Phidias eut esté mise en evidence, qui luy avoit fait un front rabotteux ; les sourcils touffuz et espoix suspenduz en saillie ; les yeux farouches, hebetez, estourdiz, et confuz, se jettans hors de teste ; un nez je ne sçay comment fait ; escaché renfroigné, de grosses moüardes lippes recourquebillees, faisans une tres-laide grimace ; le menton s’allongeant en un groin tortu despiteux : bref tout le reste de mesme oultrageusement difforme et maulsade : chacun se prit à crier au meschant, impie, detestable Atheiste. Et là dessus à grands coups de pierre. Si que Pericles le premier homme de la ville, avec les autres plus authorisez citoyens qui estoient instruits de l’affaire, à toute peine le garentirent qu’on ne l’assommast sur la place. Mais finablement le tumulte appaisé, l’emotion rassise, et le silence imposé au peuple, on luy fit entendre les raisons de cela et monter quant et quant les statues sur la colomne. Là où celle d’Alcamenes ne monstroit aucune forme et apparence de visage humain, ressembloit de toute la teste à quelque lourde boulle mal arrondie et tornee ; mais l’autre de Phidias à cause de la perspective gardee proportionnément en cela, parut lors toute telle qu’on pouvoit desirer. Le mesme peut-on alleguer de certaines manieres d’escrire ; car tout ainsi qu’il y a des fruicts qui ne se peuvent meurir sur l’arbre, et des personnes obtenir vogue, credit, ne reputation ; les unes en leur pays, les autres durant leur vie : en semblable il y a des façons de parler, lequelles se monstrans un peu rudes et aigrettes de plaine arrivée et de prez, se r’adoucissent neantmoins et ameliorent avecque le temps, et au loing.
Dans :Phidias et Alcamène, le concours pour Athéna(Lien)
, p. 25-26
Ce qui nous aprend que la copie, varieté, et desguisement de paroles, pourveu que le tout soit dispensé par compas, ne peut estre sinon que louable ; veu que par tant de fois Ciceron seroit entré au combat contre Roscius, à qui en pus de manieres diversifieroit une mesme chose : luy avec ses vocables et locutions : ou le comediant avec ses mines, actions, et gestes. Et le peintre aussi Pausias avec la gentille boutiquiere Glycere, sa mieux aimee : quand l’un par son pinsseau et coloremens tasche de surmonter la nature ; et cettecy le provoque, deffie, et excite à l’espreuve d’une varieté agreable par tant de diverses façons de guirlandes et chappeaux de fleurs.
Dans :Pausias et la bouquetière Glycère(Lien)